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Shirley et Dino Interviews
De passage à l’UGC Ciné Cité de Rouen pour présenter leur Cabaret Paradis, Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley et Dino, se sont attardés quelques instants à notre table. Même si le film n’est pas ce que l’on pourrait appeler une réussite cinématographique, discuter avec ces deux personnages s’avère plutôt intéressant. Retour sur le film, de sa conception à sa réalisation…
Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques jours de la sortie du film ?
Corinne : Houlala, c’est stressant le cinéma, surtout quand on a autant investit dans un film comme nous l’avons fait.
Gilles : On commence à se tranquilliser un peu. Avant, nous ne dormions pas du tout, maintenant, juste un petit peu. En un même temps, c’est vrai que nous sommes rassurés par les différentes avant premières, nous avons été bien reçus par le public et les journalistes qui trouvent que le film est une bonne comédie. C’est sûr, malgré ça, nous allons flipper jusqu’à la sortie.
C : Nous avons entendu les gens rire lors des avant premières des autres villes, c’était quand même un peu l’objectif. Lorsque nous faisons un spectacle, la réaction du public est instantanée, là c’est différent. Nous avons tourné le film en Juin et Juillet 2005 et c’est seulement maintenant que nous nous asseyons dans une salle pour voir le résultat.
G : Tout ce que nous avions imaginé et écrit, c’est là, devant nous. Nous avions déjà eu la surprise de voir nos personnages écrits incarnés par nos comédiens. Nous sommes en apprentissage au cinéma, nous ne sommes que de jeunes réalisateurs.
C : Il y a des choses qui font rire, alors que nous ne pensions pas être dans l’humour à ce moment là.
Vous êtes-vous inspirés de personnes de votre entourage pour créer tous ces personnages ?
G : Nous avons crée Shirley et Dino à la suite d’un stage chez Ariane Mnouchkine, là bas, nous travaillions par improvisation, avec des masques de comédie et des costumes. Il fallait se débrouiller avec ça. On est obligés de recevoir un personnage à ce moment là. Pour le mien, j’avais la vague idée d’un jeune, un peu crooner, qui déconne souvent.
Faut-il, d’après vous, connaître un minimum l’univers de Shirley et Dino avant de se plonger dans le film ?
C : Ah je ne sais pas, je n’ai pas la réponse à cette question…
G : Je ne pense pas.
C : Un journaliste, à Nantes, m’a dit qu’il ne nous connaissait pas du tout, qu’il ne nous avait jamais vu, mais que le film lui avait plu.
G : L’important, c’est que nous fassions rire et que ça plaise, peut être qu’il a été sensible à d’autres choses, à la forme peut être, aux personnages, à l’ambiance, c’est complexe le cinéma.
C : Je pense que nous sommes connus par un public assez large, après j’espère que les jeunes font autre chose que regarder la télé le samedi soir. C’était notre cas, lorsque nous étions plus jeunes, dans les années 80. Nous ne connaissions rien de ce qui se faisait à la télé. Je souhaite aux jeunes de ne pas rester devant la télé. Plus tard, c’est normal, quand on a des enfants. Je pense que les gens qui viennent à l’avant première le font parce qu’ils nous connaissent et sont content de venir nous rencontrer, c’est sûr. Nous savons que les gens nous apprécient beaucoup à la télévision…
G : Ils nous appréciaient aussi sur scène avant ! Nous avons présenter à la télévision ce que nous avons peaufiné sur scène pendant des années.
C : Nous sommes finalement très peu souvent à la télévision, les gens ont l’impression que nous y sommes toutes les semaines, or nous n’y sommes qu’une fois par mois. Même plus du tout à l’heure actuelle.
Depuis quand vouliez-vous faire du cinéma ?
C : Depuis très longtemps. Nous sommes de grands cinéphiles et lorsque nous nous sommes connus il y a vingt ans, la vidéo n’existait pratiquement pas, nous allions donc au cinéma pour voir les classiques, et aussi pour voir les grands comédiens. Nous allions revoir tous les burlesques que nous n’avions pas eu la chance de voir, tous les Marx Brothers, les comédies américaines, italiennes…
Le film se rapproche par moment du cartoon, êtes-vous d’accord avec cette réflexion ?
G : Oui, c’est vrai, il y a cette dimension de personnage assez marquée. Il est vrai aussi que lorsque l’on donnait des indications à des comédiens, nous pensions à Averell des Dalton par exemple.
C : C’est vrai que nous disions au petit qu’il était Joe et au grand qu’il était Averell.
G : On se sert aussi des maquillages, on aime marquer, on le fait aussi sur scène par exemple.
C : Nous n’aimons pas la caricature, il faut que ça reste vraisemblable et humain.
On est quand même dans la caricature, je pense notamment au rôle des deux méchants…
C : Pas pour moi…Pour moi, la caricature, ce sont les gens qui jouent les caïds, qui font les beaux gosses à se mettre du gel dans les cheveux, à porter des vêtements qui coûtent chers. Pour les méchants, je leur ai dit d’être les plus beaux possibles, je ne voulais pas qu’ils soient moches. Ce n’est pas parce que ce son des voyous dans le film qu’il faut les faire vilains, au contraire. Le petit Christian Hecq est chauve comme un œuf, là, avec ses cheveux, il est super joli, son petit jean, sa chemise qui le moule… Ca l’a beaucoup amusé d’être comme ça. Pour moi, la caricature, c’est quand on va vers le pas beau, peut être que je me trompe.
Comment faites-vous pour être à la fois devant et derrière la caméra ?
C : Au début, nous ne voulions pas réaliser ce film. Nous voulions l’écrire, pour nous, pour nos personnages puis trouver un réalisateur. Plus nous écrivions et plus nous pensions qu’un réalisateur extérieur serait plutôt un obstacle.
G : Nous avions l’habitude de diriger les comédiens, de faire de la mise en scène, d’imaginer des spectacles, le travail est tout de même très proche.
C : La seule solution était alors de le réaliser nous-mêmes. Lorsque nous avons rencontré notre producteur, il nous a dit de bien nous entourer. Nous avons choisi l’équipe ensemble, un bon premier assistant réalisateur, capable de nous épauler, une bonne script… Il nous a aussi dit de faire un court métrage avant de nous lancer. Finalement, on a préféré prendre cette responsabilité plutôt que de prendre le risque d’un conflit avec quelqu’un qu’on ne connaît pas.
G : Nous nous sommes régalés, le montage aussi a été laborieux, mais c’était génial. On part de 2h20 de film en se demandant ce que l’on va bien pouvoir couper, puis on travaille, on peaufine et on se retrouve finalement avec ce que nous voulions, c’est ça qui est bien. Le travail, nous aimons ça, ce n’est pas forcément péjoratif. Là, c’était du bonheur : Avoir les moyens de faire ce que nous voulions faire, de bons comédiens, raconter une histoire qui va faire marrer les gens. Ah oui tiens, ça me fait penser aux teasers. Nous ne savions même pas que ça existait au cinéma, nous avons tout découvert. Ca nous a amusé d’imaginer des situations, quand on a proposé le projet, on nous a dit que c’était super. Faire cette blague, ça nous a plu. Nous avons découvert et finalement appris assez vite à communiquer.
C : Nous n’avions pas d’idées de plan pour notre film, ce qui nous intéressait, c’était de diriger des comédiens, c’était ça l’important pour nous. Comme c’était l’essentiel, nous ne pouvions laisser ça à quelqu’un d’autre. C’est vrai que nous n’avons pas révolutionné le cinéma avec ce film.
G : Il n’y a rien de compliqué. On s’intéressait au meilleur cadre, celui qui mettrait en avant la scène. On voulait aller au plus drôle, au plus juste, c’était ça la question. On nous a suggéré des choses, que nous prenions ou pas, c’était un beau travail de collaboration aussi. Nous faisions de grosses journées de travail, puisque nous étions sur le film de 8h à 23h pendant plusieurs semaines.
Pour moi, la caricature, c’est quand on va vers le pas beau, peut être que je me trompe (Corinne)
Pour ce film, vous vous êtes entourés de comédiens issus du théâtre pour la plupart, est-ce un choix délibéré ?
C : Ce sont avant tout des copains.
G : Enfin, c’est surtout de bons comédiens ! Nous avons des copains avec qui nous ne travaillerons pas et d’autres avec qui on peut le faire. Nous avons le même langage de travail, on peut vraiment parler et construire quelque chose.
C : Ce sont des comédiens avec qui nous avons travaillé dans notre compagnie. Nous n’avions jamais travaillé avec Michel Vuillermoz par exemple, mais c’est un copain par exemple. Il est tellement bon comédien !
G : Nous savions qu’il était dans notre monde puisqu’il avait fait André le magnifique exactement dans cette ligne de travail. Nous nous sommes aperçus que nous avions plein de points communs.
Avez-vous quelques anecdotes de tournage à nous raconter ?
C : Il y en a une pas mal qui concerne Riton Liebman, Manu dans le film. Nous l’avons repéré dans un film où il avait une très courte scène, il était drôle. A partir de là, c’était lui notre Manu, nous n’avons même pas fait de casting ! Alors quand il arrive, on ne le connaissait pas du tout, on se demande si ce n’est pas Gaston Lagaffe. Il avait le même manteau que lui, un bonnet à pompon et une attache à pantalon parce qu’il était venu en vélo.
G : À partir de là, on s’est dit qu’il y aurait du boulot…
C : Nous l’avons rassuré en lui disant qu’il n’y aurait pas d’audition, qu’il serait notre Manu ! Il s’est investit, il est même allé se faire faire des UV ! Il est allé dans les boîtes de nuit pour voir comment se comportaient les patrons. C’est beau à voir parce que c’est un comédien qui ne joue pas beaucoup, il ne joue pas assez malheureusement. C’est un enfant prodige puisque c’était le petit dans « Préparez vos mouchoirs » de Bertrand Blier, il avait 14 ans. Ca lui est tombé dessus, il était devenu l’idole de sa cité nous a-t-il dit. Ce n’est pas facile pour lui aujourd’hui, mais je le trouve formidable.
G : La scène du chien était marrante aussi. Nous avions imaginé que la première fois, le chien réussirait à faire le numéro et que la deuxième fois il ne voulait rien faire. Au bout du premier jour, on s’est dit que nous avions toutes les images pour la deuxième scène, mais pour la première… Ca fait parti du jeu. On jongle au montage, il y a parfois des trucs bien qui arrivent.
C : Autre anecdote, nous avons eu des cascadeurs, pour le scooter qui tombe par exemple. On ne peut pas demander à un comédien de faire ça, il peut se casser une jambe. Nous avons donc eu un cascadeur qui arrivait tout droit du tournage du « Da Vinci code ». Nous lui demandions juste de courir après un scooter, alors qu’habituellement, il devait sauter, faire des choses impressionnantes. Seulement là, il se coince le doigt dans le porte bagage et se le casse.
G : Il n’avait pas dormi de la nuit le pauvre ! Le gars, il a mis un morceau de gaffeur, il a fait sa journée de travail, on ne l’a pas entendu une fois.
Shirley et Dino débarquent à Paris pour reprendre le cabaret que leur oncle leur à légué. Au bord de la faillite, l'établissement est convoité par des truands du quartier, prêts à tout pour se débarasser des nouveaux propriétaires. Mais c'est sans compter sur l'inventivité, l'innocence et la ténacité de Shirley et Dino.
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